Maroc, de la Vallée Heureuse à Tinghir
Nous sommes partis de chez Hassan à Imelghaz par un petit matin un peu nuageux, et avons descendu la Vallée Heureuse. Après seulement 26 km, à Aït Bou Oulli, un café fait l’objet d’une pause thé, et pendant ce temps un orage carabiné, de pluie et de grêle, noie la vallée. Les prévisions ne sont pas engageantes, nous trouvons un gîte. Un bruit se fait entendre, le temps de sauter à la fenêtre et nous voyons une vague de boue faire monter le niveau de la rivière de plus de deux mètres en deux secondes ! Le lendemain nous poursuivons, par monts et par vaux en croisant les doigts pour qu'aucune coulée de boue ne nous bloque la route, par des vallées vraiment hors des sentiers battus, avec beaucoup de pistes infectes et des pentes renversantes. Je laisse pas mal d’énergie à pousser le vélo dans la caillasse dans des rampes innommables. Nous installons ce soir-là le bivouac à un col pour être en sécurité en cas de pluie mais ce n’est pas du goût de la gendarmerie royale qui vient nous déloger alors que je quasi dormais. Nous voici embarqués jusqu’au village en contrebas où l’on nous propose un garage habité par un ancien, ses chats, et une odeur prenante de pommes en décomposition. Je ne suis pas d’accord et finalement nous remontons dans le véhicule et le chauffeur (un civil) nous emmène dormir dans sa maison en construction. Au moins sommes-nous tranquilles. Comme d’habitude, toutes les personnes, flics ou non, ont été absolument courtois et souriants.
Le lendemain, des rudes montées au programme encore, je laisse des litres de sueur dans la poussière des pistes ou sur le macadam. Nous rejoignons alors la grande route qui file à Ourzazate. Mais elle est totalement défoncée, heureusement ça descend, que dis-je, ça plonge. Nous sommes toujours au coeur de l'Atlas. Philippe casse un rayon à l’arrière, pause réparation et resto à Aït Tamlil. Un peu plus loin nous nous logeons en gîte au carrefour de la vallée de la Tessaout, dont on nous a vanté les mérites. Dans l’après-midi, je dégote sur une appli une route que je n’avais pas vue jusque-là et qui pourrait bien nous arranger. Il faut juste s’assurer que les orages récents n’ont pas rendu impraticables les quelques kilomètres que nous devrons faire en sandales dans le lit de la Tessaout.
Nous voici donc le lendemain dans cette vallée très typique et impressionnante. Nous faisons le détour pour aller visiter le village de Megdaz, doté de nombreux bâtiments massifs en pierres, bois et pisé. Philippe a les intestins en vrac, je soupçonne une giardiase, et dans l’après-midi, dans ce gîte chez l’habitant au bout d’une piste accrochée comme elle peut à la montagne, cul de sac, la boîte de médocs arrive sur la table. La logistique marocaine, la chaîne humaine s’est mise en branle, avec une efficacité incroyable. Les médocs sont arrivés de Demnate (80 km) dans une bagnole, dont le chauffeur a laissé la boîte à un type qui venait jusqu’au village à pied avec son âne chargé, 6 km. Voilà, c’est ça aussi le Maroc. Le total du transport a coûté 2,4 euros !!!
Le jour suivant, nous commençons donc les pieds dans l’eau sur 2 km, avant de retrouver rapidement le macadam. La vallée de laTessaout, hors des sentiers battus puisque les véhicules ne peuvent pas la suivre à cause de ces 2 bornes qui pour nous étaient faciles, est ponctuée de villages plus ou moins détruits. Nous nous demandons si le tremblement de terre il y a un an a impacté jusqu’ici. Une partie de la population loge sous des tentes qui ressemblent plus à du matériel d’urgence qu’à des tentes berbères. La mosquée est visiblement le premier édifice à être reconstruit. Avec les aléas climatiques actuels, et notamment les pluies torrentielles violentes, je crains que ces villages et maisons en terre aient bien des soucis dans le futur… Au terme de cette journée, nous basculons sur le versant sud de l’Atlas.
De la piste, de la piste encore pour le démarrage ce 11 octobre qui marque les 4 semaines depuis notre débarquement à Nador. Paysages différents, plateau désertique, puis constellé de villages dans une belle vallée cultivée avant de descendre complètement la somptueuse vallée des Roses. À l’heure de la prière, les chants des différents muezzins de la vallée se mêlent et résonnent entre les montagnes abruptes. Nous posons ce soir là nos sacoches à Kelaat M’Gounat, grande ville s’il en est. L’hôtel est central, un des moins cher de la ville, et nous convient bien. Philippe décide alors et m’annonce arrêter là son voyage, sans autre raison invoquée qu’une profonde démotivation, un manque d’envie de continuer.
Soit, je continuerai seule.
Le jour suivant je démarre donc seule, retrouve très vite mes petites habitudes et façons de faire… Mon itinéraire global est tracé, volontairement assez court, j’aurai bien loisir de rallonger si j’ai du temps en rab. Je pars par la vallée et les gorges du Dades. C’est un site touristique majeur, soit-disant incontournable et je m’attendais à beaucoup plus de bus, quads, 4x4 et motards que je n’en ai eus, autrement dit quasi rien. Les villages sont plus riches, les maisons plus solides et massives, et revêtues de crépis colorés, mais les gamins n’oublient pas de me courir après pour me demander “Missieu, missieu, donne moi un bonbon, donne moi un stylo, donne moi de l’argent”. Je dois parfois faire les gros yeux pour qu’ils me lâchent. Le macadam est bon, les échoppes bien fournies. D’ailleurs tout le long on trouve à vendre de l’eau de rose et de l’huile d’Argan. De gros complexes touristiques qui ressemblent à des citadelles en pisé, parfois avec piscine, dénotent derrière les femmes qui passent à pied, courbant l’échine sous leur fardeau de bois mort ramassé dans la nature. Deux mondes se côtoient et la différence de niveau de vie est criante. Les effets de la surfréquentation touristique sont souvent révoltants. Je pose mon bivouac à 2300 m, le long d’une route qui relie le Dades au Todhra, autre site touristique recensé.
Il me faut au petit matin suivant pousser le vélo sur 3 km, la route n’est pas terminée, tout est en travaux, les ouvriers me saluent et m’encouragent, les chauffeurs de camions et d’engins passent au pas pour ne pas m’asphyxier de poussière, avec leur prévenance habituelle et appréciée. La descente se fait debout sur les pédales, à 12 km/h, jusqu’à la fin des travaux. Puis c’est le vent de face qui m’oblige à pédaler dans la descente sous peine de remonter ! Une grosse omelette à Tamtattouchte me redonne un peu de jus, je me lance dans les gorges du Todhra, défilé rocheux de 20 km de long ou parfois les falaises se touchent presque au dessus de la route et de l’oued asséché. À partir de là, je vois autant de touristes que de locaux en visite, c’est dimanche, il y a du monde.
À la sortie des gorges, la gendarmerie royale est au bord de la route, j’en profite pour demander un hôtel pas cher à Tinghir, qui, je m’en rendrai compte rapidement une fois en ville, sont très nombreux (à partir de 4,5 euros). L’arrivée sur la ville par en haut est magnifique avec le regard qui s’étend sur tout l’oasis, qui compte tout de même plus de 80 000 habitants. Je dégote une piaule, 2 lits, avec fenêtre et petit balcon, douche et lavabo pour 8 euros. Seul bémol, elle donne sur la rue passante, bruyante.
Au centre de Tinghir, un jardin public sépare l’avenue d’une alignée de cafés restaurants aux tarifs dérisoires et aux assiettes plus que copieuses. Je m’y régale avant d’aller traîner dans l’ancien quartier juif et sur le marché où je fais le plein de vitamines. Puis je me rends compte que l'effervescence augmente au fil des heures sous ma fenêtre. Tinghir est en fête, c'est le souk, le gros ! Les nuages s’amoncellent, les orages sont annoncés dès ce soir et pour toute la journée du lendemain encore. Ce sera donc pour moi un jour de repos complet avant de continuer vers le sud et le désert.
Cela fait donc plus d'un mois que j'ai débarqué à Nador. Ce mois fut d'une richesse folle et tout ne fût que régal, ou presque. Maintenant seule, je vais tâcher de faire en sorte que le mois prochain m'apporte et me réjouisse autant. Ce sera différent bien sûr, le plaisir de la liberté retrouvée et de la fin des petites concessions remplacera celui de partager en live les impressions... Ainsi va la vie !
Plus de 50 photos ont été ajoutées dans la galerie, de quoi vous occuper un peu ! À une prochaine !
- Détails
Maroc, de Imilchil à la Vallée heureuse par le M'Goun
Imilchil.
Après un petit déjeuner aussi chatoyant pour les pupilles que pour les papilles, nous sommes partis sac au dos vers le centre du village et avons rapidement embarqués à l’arrière du triporteur de Zaïd qui nous déposa 8 km plus loin, à Oudeddi. Premier contrôle des passeports. Nous avons marché jusqu’à Ouzhedi, dernier village au bout de la route. Aucune épicerie, les habitants nous offrirent de l’eau et le thé délicieux. Pendant ce temps, le caïd (maire) du village arriva et contrôla nos passeports. L’entrée du canyon de Melloul se trouvait juste devant nous, nous nous y sommes engouffrés. Mais le caïd nous suivait, nous regarda manger et, téléphone collé à l’oreille, poursuivit la marche avec nous jusqu’à ce que lui fût donné l’ordre de nous laisser aller. Souriant, courtois, il nous serra la main avant de s’en retourner, nous laissant seuls dans ce corridor de 24 km avant quoi que ce soit, bordé des 2 côtés par de hautes falaises rouges. Nous avons progressé sandales aux pieds, moitié à sec, moitié dans l'eau, bivouaqué sous des constructions en bois, ancestrales et perchées de manière improbable sur une vire rocheuse à mi hauteur de la paroi. Nous n'avons croisé que quelques âmes sur des ânes et des enfants bergers. J’ai vraiment eu l’impression d’être projetée dans un tout autre temps, très lointain, un autre univers, celui des caravanes d’antan, d’être hors de ce monde. Le lendemain, nous avons cheminé encore dans le canyon avant de nous en échapper et d’entamer un retour par des cols et vallées magnifiques qui à certains endroits, me rappelèrent l’Asie centrale. Les tentes noires ou blanches des nomades berbères ponctuèrent notre itinéraire le long de sentes animales. Puis dans une vallée heureuse, comme un eden, inaccessible autrement qu’à pattes ou à jambes, nous croisâmes une école, un terrain de foot en pente sur terre battue, des femmes en plein travail de lessive dans le ruisseau, des troupeaux de chèvres et de moutons, des chevaux, des ânes, des chiens. Les vêtements et tapis colorés juste lavés séchaient sur les rochers alentours et nous avons dû marcher encore plus de deux heures pour retrouver le village d’Oudeddi, Zaïd et son triporteur.Rentrés à l’auberge d’Imilchil, nous avons pris un jour complet de repos. Vendredi et jour de souk, pour goûter à l’ambiance sereine et détendue de la petite bourgade. Les Berbères sont des gens silencieux, leurs pas glissent et ne soulèvent pas la poussière, la rue grouille mais il n’y a pas de bruit, ceux qui parlent français nous adressent la parole sans chercher à nous vendre quoi que ce soit, les regards ne sont pas appuyés. Les Berbères ne se lèvent pas très tôt, et ne se couchent pas tard, vivent avec le soleil, de 7 à 19 h en ce moment. Les Berbères se déplacent au pas lent, discret et paisible de l’âne, juché sur lui quand il n’est pas chargé de ballots colorés qui lui font au moins tripler sa largeur. À Imilchil, l’épicier et les gens nous reconnaissent et les gosses s’essaient à un timide “Bonjour” en français. Sourires. Pas un touriste.
Dans les épiceries, minuscules, sombres et pas souvent en libre-service, pas grand chose et toujours les mêmes. Notre régime alimentaire est très peu varié, nous essayons qu’il soit équilibré. Nous sommes loin d’avoir faim.
Le lendemain, nous reprîmes la route à vélo, avec pour objectif d’atteindre la Vallée Heureuse, au pied du M'Goun, sommet culminant à 4070 m. Pour se faire, après une journée de macadam avec de bons dénivelés positifs et des paysages encore différents de gorges colorées, nous avons de nouveau suivi la rivière Melloul, toujours au fond de son canyon mais bordée d’une piste. Ce jour là, je passai une partie de l’après-midi à pousser mon vélo sur une piste caillouteuse sous le cagnard infâme, à dégouliner de sueur et laisser des traces de sel sur le t-shirt et le short poussiéreux. Mais petit à petit comme l’oiseau fait son nid, je parvins au sommet. Philippe avait dû avoir le temps de faire une sieste, lui qui passe tout sur le vélo ! Nous retrouvâmes Saint Macadam après une journée complète de piste. Notre trace pour venir dans la Vallée Heureuse (et elle porte bien son nom tant elle est verte, cultivée, et les gens sympathiques) faisait 200 km pour 4600 m de d+, il nous fallut 3 jours. Sommets lunaires et désolés, villages qui se fondent tellement dans le décor qu’ils pourraient passer inaperçus, constructions en pisé, circulation toujours anecdotique. Le prix de l’essence est très élevé par rapport à leur smic (280 euros), comme si chez nous le litre coûtait 10 euros. Autrement dit, tout véhicule est chargé raz la gueule, de marchandises ou/et de personnes/animaux. Il faut rentabiliser les voyages. Pour nous c’est bonheur de pédaler sur ces routes où, de plus, les chauffeurs sont prudents, et pas pressés. Arrivés dans la Vallée Heureuse, nous prenons une journée pour visiter un peu les vergers verdoyants (pommiers) ainsi qu’un ancien grenier communautaire perché au fait d’une colline centrale et circulaire, et préparer notre rando de 4 jours incluant le sommet du M’Goun (4070 m).
Celle-ci commence par une douzaine de kilomètres en bagnole, pour aller au point de départ : Arrous. Nous avons ensuite traversé des gorges, puis des jardins, puis grimpé un col à 3400 m avant de basculer vers le refuge de Tarkedit. Après quelques brèves hésitations, nous y prîmes de l’eau et allâmes planter le bivouac un peu après, loin de l’agitation, des ronflements, des quelques touristes apathiques. Le jour suivant, le programme était simple : se lever à 6 h, partir à 7 h, monter au M' Goun (4070 m), en redescendre par un autre itinéraire et marcher jusqu’à trouver de l’eau dans les gorges de Assif N’Oulilimt, avec nos gros sacs sur le dos. Si à partir de 3800 m le manque d’oxygène se fit sentir, il faut avouer tout de même que le sommet fût atteint sans difficulté, et nos rythmes de marche parfaitement identiques. La météo fût parfaite et autorisa même un pique-nique au sommet. La descente fut également négociée sans problème, mais la marche fût longue avant de trouver de l’eau. Je tombai de sommeil dès que le soleil se coucha, à 19 heures.
Pas âme qui vive dans cette vallée Assif N’Oulilimt à part deux petits ânes mignons tout plein et pas farouches du tout, qui lorgnèrent le pain de Philippe et mes flocons d’avoine pendant notre petit déjeuner. Pour finir, nous vîmes tout de même un troupeau de chèvres au loin, avec un berger et un chien.
La vallée d’Assif N’Oulilimt nous réjouit les pupilles tout du long depuis notre bivouac et jusqu’à ce que nous la quittions à Aït Ahmed. En effet, nous devions retourner dans la Vallée Heureuse par un col à 2900 m pour y retrouver nos vélos et affaires. Ce sera chose faite le jour-même pour Philippe qui fît du stop pour éviter l’aggravation de légers soucis mécaniques, tandis que je terminai à pied le lendemain avec donc un bivouac supplémentaire.
Tabant, la récolte des pommes continue. Jour de marché, je fais quelques courses pour la suite et rejoins l’hébergement…
Voilà encore de bons moments et plein succès pour cette randonnée magnifique dans un Maroc authentique.
À une prochaine !
- Détails
Maroc, de Nador à Imilchil
Voilà plus de deux semaines, je quittai mon domicile. Après un arrêt à Valence, un autre à Prats de Sournia, je pris le train de Ille sur Têt à Barcelone. La mer fût d’huile et le bateau aux trois quarts vide pendant toute la traversée entre la ville espagnole et Nador. Pendant la navigation, nos passeports furent ornés d’un tampon par des douaniers embarqués, en dernière page. J’avais retrouvé Philippe, mon camarade de voyage, à Gerone, dans un wagon bondé de gens et de vélos. Après une attente debout de 5 heures dans un parking couvert béton où je tombais de sommeil, nous embarquâmes enfin, au milieu de la nuit. J'eus la chance d'être seule dans ma cabine… Nous débarquâmes du ferry au début du jour suivant après 30 heures de navigation, juste au sud de l'enclave espagnole de Melilla, à l’Est du Maroc. D’ailleurs nous aperçumes à droite en passant à vélo, le grillage bien haut qui marque la frontière. D’un côté l’Afrique, de l’autre l’Europe, endroit stratégique à la protection renforcée. Nous entrâmes au Royaume du Maroc un vendredi, notre dimanche. Après passage au distributeur pour nous fournir en Dirhams et au magasin d’alimentation pour alourdir les sacoches, nous partîmes, chevauchant fièrement nos bicyclettes dans les banlieues glauques et grises jonchées de détritus.
L’aventure pouvait commencer.
Nous prîmes vers le Sud, très légèrement Ouest, par des routes à la circulation anecdotique. La température accablante (pour une Jurassienne) nous obligea, les premiers jours, à faire de longues pauses méridiennes en attendant que le mercure redescende un peu dans le tube. Très vite les paysages nous enchantèrent, très vite nous fûmes accoutumés à la conduite de nos chargements et très vite nous comprîmes que nous aurions des tendinites à l’épaule, à force de lever le bras en l’air pour répondre aux salutations et autres signes d’encouragement. Il sembla juste que la gendarmerie royale s’acharna sur nous, en nous contrôlant à 5 ou 6 reprises dans les premiers jours, en nous virant de notre premier bivouac à la nuit tombante pour d’obscures raisons (pour nous installer 200 mètres plus loin dans un bâtiment désaffecté en bord de route où il était probablement plus facile de nous surveiller) avec des explications on ne peut moins rocambolesques. Deux jours plus tard nous furent même escortés quelques kilomètres… pour notre “sécurité”. N’allez pas prendre peur, ils n’ont juste probablement rien d’autre à foutre et justifient leurs émoluments comme ils le peuvent.
Notre itinéraire suivit des petites routes fort belles et sympathiques, traversant ici des gorges aux parois rouges, là des forêts de chênes liège ou de cèdres, ici encore des grands espaces désertiques. Nous passâmes des cols en série, atteignant allègrement les 2000 mètres d’altitude, sur du revêtement plus ou moins lisse, plus ou moins troué, nous arrêtant boire des thés brûlants dans des cafés où les autochtones discutent pendant des heures. Nous vîmes de belles vallées vertes et cultivées, la récolte des pommes bat son plein. Dans les villages traversés, la vie n’est pas riche mais ce n’est pas la misère non plus. Les maisons sont simples, de pisé ou de béton,nous eûmes l’occasion de voir les intérieurs. Si quasi toutes sont pourvues d’électricité, elles n’ont pas l’eau courante et nous croisâmes souvent des ânes chargés de jerricans. Des kilomètres pour aller à la plus proche fontaine. Pourtant, depuis quelques semaines maintenant, le Maroc reçoit des pluies orageuses abondantes qui font gonfler les oueds asséchés en torrents de boue et détériorent les routes. Nous eûmes nous aussi notre lot d’orages violents, éclairages apocalyptiques, bourrasques à défriser les moutons, grêle… À Missour, où je pus enfin acheter une carte SIM, le dithyrambique employé de Maroc Telecom me dit être allé dans ma région mais en Suisse, dans un village nommé les Bioux ! À 10 km de chez moi…
Pendant toute la première semaine, jusqu’à Midelt, nous ne croisâmes qu’un seul couple de touristes, ne comprenant guère pourquoi cette région est délaissée (tant mieux). Nous ne fûmes embêtés par rien, nous nous régalâmes de tout, jusqu’à Midelt.
Dans cette petite ville, située sur l’axe principal entre Fez et Merghouza, nous nous trouvâmes soudain dans un autre monde, celui du tourisme de masse. Serveurs de restaurant au Français impeccable, tablées entières d’Occidentaux en “tour” et même un supermarché aseptisé et vide de clients où l’on a de nouveau bien alourdi les sacoches.
Après cette ville, nous prîmes, encore et sans vraiment le savoir, la clé des champs. Toutes nos cartes et applis nous annonçaient une petite route asphaltée mais dès la sortie de la bourgade, c’est sur une piste que nous laissâmes notre sueur. Le lendemain, nous rencontrâmes nos premiers nomades berbères sous leur tente noire. Malheureusement, le seul contact apparemment possible consiste à courir vers nous pour nous demander de l’argent, de l’eau, de la nourriture. Nous avançons sur une piste de plus en plus détériorée. Cirque de Jaffar, endroit magnifique, la piste s’arrête, les innondations ont tout embarqué. Les motos abandonnent, je ne suis pas venue jusque là pour faire demi-tour sans être certaine de ne pouvoir passer. Nous déchargeâmes, nous portâmes les vélos et les sacoches, nous poussâmes, mais nous passâmes. Et nous fûmes évidemment seuls au monde sur ce chemin aux paysages grandioses.
Toute la route traversant la partie Est du Moyen Atlas entre Midelt et Imlichil ne fût qu’enchantement, nous nous régalâmes les pupilles même si les enfants nous assaillaient dans les villages, pauvres. Sucession de hauts et de bas, les fonds de vallée étaient à 2000 m, les cols jusqu’à 2600 m, le macadam intermittent, la route déchirée.
La plupart de nos nuits furent des bivouacs sauvages. Nous eûmes cependant 2 fois à demander un endroit “sécurisé” pour dormir, pour ne pas prendre le risque de nous faire virer ou assaillir de questions par les curieux. Nous fûmes invités à l’intérieur deux fois. Berbères ou Arabes, il ne nous est pas évident de faire la différence, nous manquons encore d’expérience sur ce point.
Mon camarade de voyage et moi-même sommes sur la même longueur d’ondes concernant bien des sujets (rythme de vie et découpage des journées, bivouacs, itinéraires et manière de voyager). Quelques concessions d’un côté comme de l’autre permettent de contenter les deux protagonistes. Puisse durer cet état de fait ! Même si nous ne pédalons pas toujours ensemble, nous restons à vue. Philippe m’attend dans les montées, en profitant pour faire de nombreuses photos. Ma foi, la vie est plutot belle !
Nous sommes à Imlichil, dans une auberge confortable où nous nous apprêtons à laisser montures et affaires pour partir randonner 3 jours sac au dos. La météo est annoncée au beau fixe.
N'hésitez pas à aller voir dans la rubrique "photos" dans Maroc évidemment pour les images de ce début de bourlingue.
À la prochaine !
- Détails
Bourlinguer, encore et toujours...
Salut les p'tits loups !
Alors ? Vous avez passé de bonnes et belles vacances ?
De mon côté j'ai taffé comme une malade, trimballant mon sac de Belledonne en Dévoluy, du Jura au massif du Mont Blanc. Et j'aurais de la matière pour au moins trois bouquins rien qu'en perles toutes plus exquises les unes que les autres sur cette saison estivale. Alors mes vacances qui approchent à grands pas, j'estime que je les ai amplement méritées !
Voilà !
Il y a un mois environ, j'ai posté une "annonce" sur les réseaux de cyclo-voyageurs, histoire de savoir si quelqu'un ou quelqu'une serait intéressé(e) pour venir avec moi user du pneu 2 pouces et de la semelle sur du macadam, des pistes et des sentes poussièreuses pendant deux mois et demi cet automne. J'ai eu plusieurs réponses, toutes masculines. Alors j'ai demandé des photos de leur monture (vélo) et leurs mensurations aux candidats (des mollets et quadriceps, bande de vicelards...), puis j'ai procédé à un casting afin que chacun annonce ses motivations et expose curriculum, expériences et arguments...
Nan, tu n'y as pas cru quand même !?. Pas le genre de la maison ! La découverte de la personne qui m'accompagnera sera à elle seule une aventure, et c'est bien comme ça. Et si ce n'est pas bien, je mettrai le clignotant !
Oui, je sais, ce n'est pas une photo du Maroc !
Sérieusement, j'ai eu 6 réponses et parmi celles-ci, il y avait celle d'un cyclo-voyageur avec qui j'ai déjà échangé, nous étions en Corse en même temps je crois, au printemps 2023, un peu sur la même façon de voyager semble t-il (grands espaces et bivouacs tranquilles en priorité, fuite des lieux surpeuplés et autres temples de la consommation). Alors ma foi pourquoi pas ?
Tout est allé très vite. J'ai posté l'annonce, quatre jours plus tard, j'avais un coéquipier et après quelques lignes et idées échangées, la destination était définie. Nous irons au Maroc, sur un mode vélo et rando. Le week-end suivant lors d'un passage en rase-motte chez moi, coup de fil, on se parle, c'est étrange mais nous nous mettons vite d'accord sur les généralités. Traces, idées, grandes lignes... Ce même week-end, profitant d'une bonne promo, les billets de bateau Barcelone-Nador sont achetés. Nous embarquerons le 12 septembre à 22 h30.
Et vogue le navire vers l'Afrique. Je change enfin et à nouveau de continent après plusieurs années passées "dans le secteur". Ce n'est pas bien loin le Maroc mais suffisamment pour que la culture et les milieux apportent un vrai dépaysement.
Pour le reste et les détails, il faudra attendre...
C'est la précipitation, j'ai zéro kilomètre à vélo dans les jambes, trois kilos en trop. J'achète une nouvelle selle, je teste à nouveau mon vieil appareil photo bridge qui décidément me bouffe trop de batterie, j'achète une paire de sandales avec lesquelles je pourrai pédaler/marchotter, je commande une carte du pays, je regarde les traces proposées par mon binome... le temps se précipite mais j'aime. Oui j'aime car voilà : j'ai un projet pour cet automne !
Alors à plus tard... pour de nouvelles aventures !
- Détails