Mull, Hébrides Extérieures sud
Je vous avais laissés à Tobermory, sur l’île de Mull par un temps pluvieux qui n’incitait guère à sortir. Visite du musée local avec comme d’habitude les outils, les habitations, les vêtements, quelques us et coutumes. Puis une accalmie m’a autorisée une promenade jusqu’au phare voisin, ainsi qu’un petit aller-retour en stop jusqu’à Salen pour photographier quelques épaves de bateaux. Mull est une île à la superficie déjà importante et son nombre de kilomètres de littoral est impressionnant. Tout n’est que détours et temps de route importants. Elle regorge de sommets, lacs, plages et j’ai donc consacré les jours suivants à la poursuite de sa découverte, tantôt sur les hauteurs, tantôt à chercher la présence de phoques ou d'otaries au fond de baies rocheuses. J’ai eu la chance d’en voir se prélasser. Sur Mull également et enfin, une vraie présence de celles qui figurent sur tous les mugs, t-shirts et autres souvenirs d’Écosse, les vaches aux longs poils dont seul le vent peut écarter la mèche et laisser voir que oui oui, dessous se trouvent des yeux. Elles sont belles ces Highlands. J’ai bien évidemment gravi le point culminant de l’île, le Ben More à 966 m en mode rapide sans mon gros sac. Puis par les routes (toujours des single track), transportée par des dizaines de locaux ou touristes qui commencent à sérieusement affluer, j’ai poussé jusqu’à la petite île de Iona, sa célèbre et superbe abbaye, ses plages, ses prairies grasses au nord, son golf, et sa tourbe profonde au sud. De retour à Craignure, j’ai repris le ferry pour Oban, y ai rempli mon sac de vivres et suis remontée sur un bateau (qui repasse à 500 m de Mull) pour me rendre à Castlebay sur Barra, l’île la plus au sud des Hébrides extérieures où l’on puisse arriver. Sur le bateau, plusieurs couples avec de gros sacs à dos, il y a fort à parier qu'ils sont là pour la même chose que moi. Ils prennent des taxis, je lève le pouce, économise 18 euros pour 8 km au passage, me fais prendre par un vrai type d'ici qui me raconte l'histoire de l'ancien ferry qui reliait Barra à Vatersay jusqu'en 1991, avant que la digue ne soit construite, me montre les débris de l’avion qui s’est écrasé là pendant la seconde guerre mondiale, et m'indique son école primaire, il y 35 ans… Visite guidée et commentaires qui se poursuivent pendant 15 minutes après l’arrivée à destination, dans l’utilitaire, moteur coupé. Me voici donc au départ de l’Hebridean Way sur l’île de Vatersay. Plus au sud il y a encore des cailloux, inhabités. L’Hebridean way, itinéraire long qui remonte toutes les Hébrides Extérieures promet monts et merveilles.
Vatersay donc, 1ère île. Pour accéder au sud, il faut passer sur un isthme enherbé et bordé de deux plages magnifiques autant que symétriques. Sous un rayon de soleil, certes timide, l’endroit s’apparente à une promesse enchanteresse, digne d’un programme électoral. Mais la suite, dès le lendemain matin, comme le programme électoral, me fait me demander, après avoir mis les pieds dans le bateau, si je ne me suis pas embarquée dans une galère. Ciel gris, océan gris, plages grises. Les merveilles de Barra, 2ème île, dans un brouillard à couper au couteau sous un crachin persistant… “ Mais qu’est ce que je fais là ?”, la question ne s’invite pas souvent dans mon esprit mais là, oui. Patauger dans la tourbe dans le brouillard sous le crachin, hum… Il ne reste plus qu’à trouver de l’eau, oui c'est paradoxal, et un endroit sec, plat, abrité du vent pour planter ma tente sur ce bout de terre tourbeux, sans arbre ni relief à l’horizon. Ce sera chose faite à côté de la salle d’attente du ferry que je prendrai le lendemain. J’ai même l’électricité !
Ici, les prévisions météo sont fiables quand la pluie est annoncée mais elles peuvent se tromper quand le beau est attendu !
Bref, j’ai marché les 3 premiers jours sous un ciel palot, sur du sable palot au bord d’un océan palot avec un fort vent de face. Je suis malade rien qu’à imaginer à quoi ça doit ressembler sous un rayon de soleil. Il ne faisait pas mauvais à proprement parler, il a juste manqué la lumière pour la magie,.. et tenir la promesse ! Oui, les plages de Vatersay, Barra, Eriskay, South Uist, Benbecula, North Uist, Berneray sont exceptionnelles. J’ai vu des otaries encore, dans l’eau, et des panneaux “attention traversée d’otaries” le long des routes. Une mouette m’a suivie pendant une dizaine de kilomètres sans cesser 30 secondes de me crier dans les écoutilles. Elle a bien failli me rendre folle, je lui ai parlé gentil, puis méchant… Je suis passée d’une île à l’autre soit par des digues, soit par des bateaux.
Après avoir gravi le point culminant de Benbecula à 100 m pour la vue sur les myriades de lacs et l'océan sous le ciel toujours gris, il y a eu la tempête. Arrivée après un vrai mais trop court moment de soleil sans vent, alors que je quittais Benbecula pour passer sur North Uist à marée basse, elle était prévue mais les hébergements contactés à portée de ma bourse étaient complets et les campings sont toujours très exposés au vent. Donc exit, il va falloir que je me débrouille pour me poser en sécurité. La chance, oui la chance a fait que ce soir-là vers 16 heures, j’ai doublé le seul bois de plus d’un are de toutes les Hébrides extérieures. Je m’y suis arrêtée, ai sauté par dessus les deux clôtures, le sol sous les arbres pouvait accueillir une tente et quelques maisons très proches me fourniraient de l’eau. Nickel. J’y suis restée deux nuits et une journée entière, ne sortant de ma tente que pour assumer des besoins primaires. Il a plu, il a surtout venté, les 75 km/h annoncés y étaient largement, pendant 12 heures j'ai entendu le vacarme du vent hurlant tandis que ma tente ne bougeait pas d'un poil et que j'avalais dans la même journée un livre entier de James Ellory et une plaque de chocolat noir, tout aussi entière. Le lendemain, alors que j’entamais la traversée de North Uist, un brouillard épais encore sous un fin crachin m’a fait tendre le pouce sur les parties asphaltées. Une conductrice m'apprend que le nom des îles que j'ai précédemment visitées sont souvent donnés comme prénoms. Ainsi, les fillettes s’appellent Jura, Iona, les garçons Arran…
North Uist est un patchwork impressionnant de lacs qui se remplissent avec la marée mais ne se vident pas complètement quand l’océan se retire. Les buttes culminent à 200 mètres et l’habitat est très dispersé, comme partout. Toutes les routes sont à voie unique. Les cyclos ont débarqué en force. Je revois de temps à autres les marcheurs qui font aussi ce chemin.
Ce soir je suis sur l’île de Berneray, toujours dans le brouillard. Je me suis posée dans une auberge en auto-gestion. Il y a une douche, des toilettes, une belle et grande cuisine, de l’électricité, de l’eau, de la 4G, trois dortoirs, des cyclistes et des marcheurs. Les autres ne sont pas bienvenus, il faut arriver à la force du jarret. Le bâtiment est traditionnel, murs chaulés blancs avec un toit végétal posé dessus, des petites ouvertures. Par la fenêtre à 5 mètres il y a l'océan, et une plage de sable fin. L'endroit est superbe et j'espère le découvrir demain matin sous une lumière qui le mettra mieux en valeur.
Bien sûr, me voilà déjà à la porte de Harris, que j'ai vu à l'automne. J’ai traversé les Hébrides extérieures sud sans bien du soleil, sans les couleurs escomptées, c’est toujours décevant, c’est comme ça, lalalalala... Je suis un oiseau de passage, et on ne choisit pas la couleur du ciel le jour où on passe. Rester des journées entières sous la tente à attendre les éclaircies n’est pas non plus une solution. Des vacanciers qui m’ont prise en stop ont parfois été là où je voulais aller, ne sachant pas quoi faire eux-mêmes par ce temps si bas. D’ailleurs à ce propos, jamais je n’ai galéré à me faire pousser plus loin.
Demain et le jour suivant sont annoncés plus clairs, voire légèrement ensoleillés. Je l’espère. Et à 7 heures je serai dans mes chaussures pour profiter au maximum de ce qui m’entoure.
J’ai remis des photos dans la galerie. Vous verrez, c’est beau l’Écosse !
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Arran, Islay, Gigha, Jura, Mull and co...
Des salves de pluie épaisse crépitaient sur le tarmac d’Edimbourg. Un peu comme quand j’en suis partie fin octobre. À me demander si entre-temps, il y a eu autre chose. Juste avant que le zinc ne pose ses roues sur la piste, j’ai pu voir entre chien et loup des champs inondés sous les nuages noirs. L’avion s’est posé avec presque deux heures de retard, après avoir subi maints contrôles suite à un impact sur le fuselage lors du précédent vol. Mais l’impact “rentrait” dans les tolérances pour voler, nous avions donc fini par décoller.
Arriver de nuit sous la flotte n’est pas ce qu'il y a de plus joyeux, ni encourageant. Mais j’ai au moins l’avantage d’avoir des repères. Je sais qu’il faut aller vite pour ne pas faire la queue une plombe au contrôle de l’immigration. Mon sac est arrivé vite sur le tapis et tout aussi vite je me suis dirigée vers l’arrêt de bus pour Glasgow. Ce dernier arrive dans les 10 minutes et ne traîne pas pour repartir. Pendant une heure encore je n’ai vu que des gerbes de flotte s'écraser contre les vitres et le pare-brise, aveuglée par les phares des véhicules en sens inverse sur la voie express. Par bonheur à Glasgow il ne pleut pas. Là aussi j’ai mes repères, connais la gare routière et file dare-dare vers l’auberge où j’ai tout anticipé en ligne. À 22 h 10 j’y entre, à 22 h 20 je suis couchée.
Sam Bates, plus connu sous le nom de Smug, artiste contemporain d’origine australienne mais basé à Glasgow. Si j’ai décidé de consacrer une journée entière encore à cette ville, c’est parce qu’à l’automne, j’étais passée à côté de quelques unes des plus belles fresques murales, signées Smug justement. Couvrant des façades entières, elles sont si travaillées qu’on dirait des peintures à l’huile. Et je me suis régalée de cette journée… sans pluie, offrant même quelques rayons de soleil.
Arran m’a vu débarquer le lendemain après une heure de train puis une heure de bateau. Pour l’arrivée du ferry et en guise de bienvenue, un magnifique arc-en-ciel allait d’un bout à l’autre de Brodick, principale ville de cette île qui compte 5500 habitants ( et 25 000 en saison touristique). Le plafond est à 200 m d’altitude, les sommets à 800 m, je choisis donc de rester en bas pour l’instant, traverse l’île dans la largeur jusqu’à Blackwaterfoot d’où je commence à marcher, le long de la côte, le long du golf puis de formations basaltiques, jusqu'à King’s caves (des grottes), puis aux pierres levées de Machrie. Et là, comme si je ne savais pas ce qu’est l’Écosse hors sentier, j’ai voulu couper dans la pampa. J’avais 500 mètres à faire pour rejoindre quelque chose. Eh bien non seulement il a fallu que je retourne d’où je venais mais en plus j’ai rempli mes godasses de flotte ! Belle opération ! Malgré les saucées du jour, j’étais sèche alors il faut croire que c’était dommage !
Revenue sur la route, un bus est passé dans ma direction, j’ai sauté dedans pour revenir en ville et tendre le pouce pour aller au sud.
Au sud. Le Sud d’Arran est constitué de collines glabres tapissées de verts pâturages où broutent de plantureuses Highlands à grandes cornes. Il y a du vent. Je l’ai de face et ne suis pas mécontente quand enfin une auto s’arrête et m’emmène à ma destination du jour : Lagg. Connue pour sa distillerie, le village tient en quatre maisons, un hôtel, la salle des fêtes dont un recoin fait bar. Le camion pizza de l’île tourne dans les villages et les hameaux, un passage par mois, c’est aujourd’hui à Lagg et ça se passe à la salle des fêtes aussi, comme le culte. Pourquoi je vous parle de la salle des fêtes ? Parce que c’est là que j’ai dormi cette nuit-là. J’ai demandé un endroit à l’abri du vent pour planter ma tente, j’ai atterri dans la grande salle. Plutôt cool et je ne suis pas mécontente de cette animation à la cuisine et au bar car jusqu’à maintenant je n’ai vu que des nuques penchées sur des smartphones, les citadins de Glasgow ou les filles qui partageaient mon dortoir à l’auberge. Quelle tristesse ! J’ai dormi sur une table, mieux que par terre. J’ai fait le tour de l’île en stop, donc visite guidée, suis repassée à Brodick, suis montée à Sannox pour marcher le long de la côte jusqu'à Lochranza, ai gravi des sommets au dessus de Pirnmill avant de grimper sur le Goatfell, 874 m, point culminant de l’île et couvert de neige de ces dernières averses. La météo s’est montrée capricieuse sur Arran mais j’ai tiré mon épingle du jeu.
Puis j’ai repris le bateau. Pour rejoindre le Kintyre.
C’est une péninsule toute en longueur qui fait partie de la “main land” mais on se croirait sur une île. J’y ai marché 2 jours de Tarbert, jolie petite bourgade, petit port mignon, jusqu’à l’embarcadère pour l’île de Gigha où j’ai marché 2 jours encore, ne manquant pour rien au monde le point culminant à 100 m tout rond. Population totale de l’île :150 habitants…
Quelques pierres debout et vieilles croix en pierre sculptées.
J’ai repris le bateau dans l’autre sens. Puis un autre encore, avec un court transfert entre les deux.
Islay, autre île, plus grande. Les principales “ industries” de ces îles sont les distilleries, partout. Partout on y fabrique du whisky, mais d’où vient l’orge ? La tourbe pour le maltage ok, mais l'orge ? Je vois à travers les baies vitrées de ces usines à alcool des immenses alambics en cuivre. Marche dans les montagnes, marche le long des côtes, marche le long de plages magnifiques. La météo est conciliante, j’en profite. Des bivouacs somptueux dans des paysages grandioses, lumières qui explosent les pupilles, arches naturelles, grottes, oiseaux de mer, aigles, phoques, et des centaines de cerfs et de lapins. Mais pas un chat ni l’ombre d’un randonneur. Des vans et campings car oui, mais ils ne marchent guère, ils font des “road trip”. Je me délecte aussi des villages croquignolets lovés au fond de criques ou de baies aux eaux limpides sur sable blond, de phares blancs sur des îlots minuscules ou à l’extrémité de pitons rocheux. Mon séjour à Islay a été interrompu par trois jours sur l'île voisine.
Les bouteilles portent le même nom mais ne contiennent pas le même breuvage et n’ont pas la même “gueule” que les nôtres, il y a des montagnes, qui culminent à 800 mètres mais sont tout aussi rudes que les autres, il y a 175 habitants et pourtant l’île est grande. Une minuscule épicerie. L’île aux milliers de cerfs, plus de 10 000, des comptages ont lieu chaque année à cette période, sur demande du gouvernement. Un type impliqué m'a prise en stop, sur un carré de 5 x 5 km, l'an dernier, 1100 cerfs. Quand je vous dis que ça pullule ! Je n'en fais même plus de cas tant ils sont partout, dommage qu'ils fuient tout de même quand j'approche. Bref, j’ai nommé Jura. Des lacs très bleu sur fond de landes dorées, ou de tourbières noires. Jura, c’était une exploration obligatoire quand on sait d’où je viens. J’y ai marché 3 jours, suis allée dormir dans des lieux hors du temps, accessibles seulement après des heures de marche sur une éponge, pour arriver sur des sites néolithiques, des lieux qui furent habités, je me demande pourquoi et comment ce fut possible. Je suis allée au bout de Jura, enfin… presque ! L’avant dernière maison de l’île, tout au nord, est celle où Georges Orwell a écrit 1984. Il aurait fallu que je marche 10 km aller retour, pour voir quoi en fin de compte ? Quatre murs chaulés de blanc sur fond d'océan azur. J'ai renoncé. J’ai pris bien du plaisir sur l’autre Jura avec encore du beau temps. C’est relatif bien sûr et il faut choisir tout de même les meilleurs jours pour arpenter la montagne mais globalement, du soleil et du sec. Ce qui rend le terrain moins spongieux, moins imbibé. J'ai constaté que la plupart des gens ici savent situer le Jura, je veux dire le mien. Certains ont même avoué avoir déjà bu du vin et gardé la fameuse bouteille gravée. De retour sur Islay, j’ai complété ma visite de cette île par le nord de ce fer à cheval, ai visité des réserves naturelles et autant de lieux improbables, tous d’une beauté originelle impressionnante. La nature est brute, sans aménagement à part quelques pistes.
Sur ces îles, quand je veux un transfert pour aller d'un point à un autre, je tends le pouce. Les locaux s’arrêtent, les touristes beaucoup moins, ils ont peur, les bandits sont partout dans ces endroits paumés, à tendre le pouce pour peut-être voler une bagnole qui n’ira quoi qu’il en soit, pas bien loin, jusqu’à un ponton... J’ai même fait du tracteur pour 4 km. Les voitures sont rares parfois mais elles s’arrêtent. Je n’attends jamais longtemps. Et si je suis sur un axe où circulent des bus, alors il suffit de faire signe au chauffeur, mais j’évite, c’est horriblement cher. Les routes sont la plupart du temps à voie unique, 3 mètres de large, on ne croise pas. Tous les 300 mètres se trouvent des places de croisement. Les locaux haïssent la saison touristique, les gens ne savent pas anticiper et c’est le foutoir, certains prennent les places de croisement pour des parkings... La conduite sur les “single lane” est tout un art, il ne faut pas être pressé. L’éloge de la lenteur.
J’ai repris le bateau pour rentrer sur Kintyre, et après un transfert jusqu’à Oban où j’ai consacré trois heures de visite à la ville, j’ai sauté sur un ferry pour venir sur Mull, où je me trouve actuellement.
À noter que dans ce pays, partout dans les toilettes publiques, ou celles des salles d’attente de ferries, on trouve des protections hygiéniques, à disposition.
Sur Mull, là aussi des distilleries, des moutons aux pattes et la tête noires, ébouriffés par le vent froid, des montagnes à gravir, des plages paradisiaques désertes (et c'est comme ça que je les aime) et des villages tout blancs ou au contraire très colorés. Après quelques jours bien remplis déjà sur Mull, je suis posée pour 2 nuits à l'auberge de jeunesse de Tobermory, le plus gros village de l’île. Il pleut, alors en attendant de rejoindre mon auberge à 17 heures, j’ai trouvé un endroit à l’abri, au chaud, équipé de prises de courant, de toilettes, douches, lave et sèche-linge. Sur le port. Les locaux m’avaient indiqué un endroit similaire sur Islay, où j’avais pu tout laver, mon linge et moi, bien pratique. Depuis Glasgow, je n’ai jamais dormi encore dans un lit.
En tout cas, que ce soit sur des îles petites ou plus grandes, passées les dernières maisons d’un patelin minuscule, tout de suite le sentiment d’être dans du grand sauvage est bien présent. Dormir dans la nature, silence et ciels d’une pureté impressionnante. Pas de pollution, très peu d’avions. Du calme, de la lumière, des nuages et des herbes qui dansent au gré des vents, du froid, et pas de pont sur les torrents. Du sauvage là, tout près à côté. Autre chose que j’apprécie énormément dans ce pays : la possibilité de planter sa tente partout là où il n’y a pas nuisance. Pas besoin de chercher la discrétion. Et puis je ne sais pas si les faits divers malheureux existent ici, bref, c’est tout de même un pays très très tranquille qui a beaucoup à offrir.
Côté pratique, ça va, j'ai la pêche et dors comme un gros bébé, les yeux parfois fatigués de lumière. Les jours sont longs, il fait clair de 5 h 30 à 21 h 20. Mes chaussures, pour l’instant, me permettent de patauger dans les sphaignes et la tourbe sans avoir les pieds mouillés, quel panard ! J’avais hésité à partir soit avec des chaussures hautes donc lourdes et étanches au possible ou au contraire avec des petites, qui seraient toujours trempées mais qui sécheraient très vite. Les opportunités ont fait que j'ai des grosses, en test, et jusque là, je ne regrette vraiment pas. Il faut ça pour faire du mode sanglier, ou non, dans ces contrées sauvages et gorgées d'eau où chevilles, pieds et genoux sont largement mis à contribution. Je suis toujours aussi satisfaite de ma tente, comme de mon sac, mon matelas ou le reste. Mon sac n'est pas trop lourd, je me ravitaille au max tous les 4 jours. Je suis pas mal embêtée par les tiques, je marche pourtant couverte et pantalon dans les chaussettes mais malgré ça, j’en ai retiré de ma peau jusqu’à plus d’une dizaine par jour, parfois à des endroits que je ne peux voir et difficilement accessibles. Je surveille à mort. Côté températures, je n’ai jusque là guère quitté la polaire et la veste par dessus. Les températures nocturnes ne dépassent pas 5 degrés, j’ai eu du gel, et en journée, le vent froid dissuade de s’étaler sur les plages. Ça me va bien comme ça, je ne transpire pas beaucoup, et surtout, tant qu’il fait frais, il n’y a pas ces mûries de petits moustiques, les midges.
Voilà, 19 jours déjà se sont envolés. Et si je ne donne des nouvelles que s’il pleut alors j’espère que vous attendrez un moment avant les prochaines.
Ciao
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J'aime le vent, la pluie et la gadoue...
Ouaich, c'est probablement ça puisque j'y retourne !
C'est peut-être juste pour vérifier que c'est toujours comme ça, que ce sont des bouts du monde où le ciel chiale régulièrement, se met en colère, devient tout noir pour nous en faire voir de toutes les couleurs. Pour voir si partout sur ces confins de terre balayés par les vents, l'eau regorge, stagne ou vient gonfler des rivières impétueuses à l'improbable couleur de rouille. Pour voir les littoraux insulaires de sable blond ou des hautes falaises inaccessibles que scindent des cascades d'eau douce qui sautent dans l'eau salée de l'océan au moment où un rayon de soleil oblique se glisse entre deux averses.
Oui, je vais retourner me frotter aux éléments, m'immerger dans le sauvage des Highlands et surtout des îles qui bordent l'Ecosse. Parce que même si ce n'est pas facile tous les jours de s'y déplacer à pied, dans des terrains spongieux voire innondés, avec tout mon barda sur le dos, ou en stop, il y a quelque chose de magique et des sentiments indescriptibles de n'être rien dans tout ce grand, qui me rend euphorique, à fouler ces espaces déserts, sans aménagement pour l'humain, où tu peux marcher des bornes et des heures avant de trouver l'endroit "le moins pire" où tu pourras monter ta tente pour te reposer.
Comme ceux qui me suivent depuis un moment le savent, c'est dans ces endroits retirés, à vivre H24 dehors, que je me sens le plus vivante, et parfois même animale, avec pour seules préoccupations mes besoins vitaux dont celui de glisser dans le paysage fait partie. Mais non, non, je ne m'interdis pas du tout de visiter les auberges aussi quand le besoin s'en fait sentir.
Arran, Gigha, Islay, Jura, Kerrera, Mull, Barra, Eriksay, South Uist, Benbecula, North Uist, Berneray, Lewis and Harris, les Orcades, les Shetlands, ce n'est pas la variété des îles qui manque. Il FAUT que j'aille sur Jura, c'est une absolue nécessité et je vous explique pas pourquoi ! Et puis passer de l'une à l'autre de ces îles en ferry (c'est fou quand on grossit la carte, le nombre d'îlots minuscules qui apparaissent autour de petites îles elles -mêmes autour de terres plus grandes). L'Ecosse n'est pas très grande mais qu'est ce qu'elle est vaste ! Et puis marcher sur le sable blanc ou noir des plages gigantesques dignes de celles des Maldives sans la chaleur, les mains dans les poches, juste mon sac sur le dos, libre, parcourir l'Hebridean Way ou le Cape Wrath trail (oui encore lui puisqu'il m'a résisté l'automne dernier et que je suis têtue...). Mamamia, je m'y vois déjà, sous un rayon de soleil entre deux ondées. Réminiscence d'images, je suis au bord de la route sous ma cape de pluie dégoulinante en train de tendre le pouce dans les bourrasques. Je vais encore entendre parler le gaélique et rencontrer quelques personnages rudes au coeur sur la main et chercher dans des échoppes minuscules un coin où sécher et de quoi contenter mon estomac.
Et puis il y a tant d'endroits sur la "mainland" que j'aimerais voir. Dans ce pays, pas une minute n'est identique. La lumière joue et change sans cesse, d'une seconde à l'autre presque, tant et si bien qu'on pourrait bien rester planté à un seul endroit pendant des heures qu'on y ferait un voyage indescriptible et riche de mille paysages différents.
Qu'est ce que ce sera le jour où j'irai en Islande, hors-saison !? Ca viendra, ça viendra !
Bref, voilà, je retourne en Ecosse, avec le même matériel sauf les chaussures, et en espérant que les nouvelles me tiennent un peu mieux au sec. Le 10 avril je partirai pour un temps indéfini et cependant limité par la reprise du boulot le 6 juin, de quoi patauger à volonté dans les tourbières.
Il a été très rare dans ma vie de voyageuse que j'aille 2 fois au même endroit. Je crois que je suis clairement restée sur ma faim l'automne dernier, entravée par des précipitations exceptionnelles. Alors certes, les températures et la pluie seraient peut-être moins méchantes en juillet-août, mais en été, il y a des gens, et pire encore : des midges (moustiques microscopiques qui se gavent de notre sang et dont on se rend compte des piqûres une fois que l'épiderme est en feu). En partant tôt dans le printemps, j'espère être tranquille un moment même si je ne compte pas laisser mon répulsif et mon filet de tête dans le Jura.
Et comme d'habitude en préparant ce voyage, je rêve, tout en sachant trop bien que ce voyage sera complètement différent de celui que je fais déjà, dans ma tête... Deux voyages pour le prix d'un !
A bientôt
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